Même à la pêche au coup, l’utilisation de leurres a quelque
chose de magique car, quelle que soit la technique,
capturer des poissons avec du « faux », du « toc »
procure une sensation plus grande encore
d’avoir trompé son adversaire. Le
leurre dont il sera question dans cet
article n’est pas neuf puisqu’il s’agit
de la perle, ce merveilleux ersatz
du grain de chènevis dont tous les
poissons blancs sans exception
sont si friands. Plus originale est
par contre la manière dont je
vous propose de mettre en oeuvre
ces petites billes brillantes qui
ressemblent à autant de petits
bijoux : à la ligne flottante. En
Semois mais aussi dans toutes
les rivières moyennes, la perle à
la ligne flottante permet de réaliser
des paniers aussi impressionnants
que diversifiés.
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Pourquoi la perle ?
Le grain de chènevis est une esche d’une
efficacité surprenante en toute saison. Ce
n’est pas les pêcheurs de Meuse, de la
Haute-Sambre ou encore de nos canaux
qu’il faut convaincre de la chose, même si
les adeptes du « chanvre » sont de moins en
moins nombreux. Mais la pêche au chènevis
présente un grand inconvénient : la fragilité
de la graine et de son germe. Une nouvelle
graine doit être replacée sur l’hameçon
après chaque capture ; idem après chaque
ferrage dans le vide – nombreux avec cette
technique – car le germe, objet de la convoitise
des poissons, est automatiquement arraché
de son support. Et fixer une graine de
chènevis sur un hameçon est une opération
que l’on peut qualifier de fastidieuse, surtout
quand le poids des années prive le pêcheur
de la vue et de la dextérité de ses 20 ans.
Heureusement, il y a la perle ! Avec elle,
finie l’obligation de se « casser » les yeux et
la perte de temps qui en découle. En outre,
les perles se déclinent en une multitude de
modèles variant par leur taille, leur couleur
et leur finition (ronde ou à facette, avec ou...
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sans imitation de germe…) ce qui donne
plus de latitude au pêcheur en cas de
pêche difficile.
Enfin, comme souligné dans l’introduction
de cet article, l’utilisation de la perle se
justifie déjà par la seule envie de tromper
les poissons avec un leurre.
La technique
à la perle a depuis toujours été utilisée
essentiellement par les pêcheurs pratiquant
au départ d’une ligne sur-lestée où le flotteur,
réduit à sa plus simple expression,
joue le rôle d’indicateur informant le
pêcheur quant au moment où il faut relâcher
la ligne dans la série de saccades verticales
imprimées au leurre. Cette technique,
pratiquée avec une ligne coulante donc,
concerne les rivières relativement profondes
(min 1,5 m), comme la Meuse et la
Haute-Sambre, où la mise en oeuvre d’une
telle action de pêche est possible.
Rien de tout cela ici : la technique proposée
se pratique à l’aide d’une ligne flottante,
exactement comme dans le cas de la
pêche avec la graine de chènevis elle-même.
Il s’agit donc d’une pêche à la coulée
traditionnelle, plus simple à mettre en
oeuvre. Ensuite, elle peut se pratiquer en
eau peu profonde et convient ainsi pour
tenter les populations mixtes de cyprins de
nos rivières moyennes.
Cette technique requiert toutes les exigences
de la pêche au chènevis : un agrainage
léger au début de chaque coulée, une
attention de tous les instants et une réactivité
immédiate de la part du pêcheur en
cas de touche. Le pêcheur veillera également
à ponctuer la coulée de quelques
retenues de la ligne destinées à animer
légèrement la perle.
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Sur les coups entretenus régulièrement
au chènevis, l’amorçage n’est pas indispensable.
Ailleurs, il est bon de pratiquer un
amorçage de départ destiné à attirer les
poissons sur le coup, qui sera ensuite entretenu
par un agrainage régulier. La nature de
l’amorce de départ n’est pas primordiale.
Le plus important est qu’elle contienne une
bonne quantité de chènevis cuit. En
Semois, une amorce à gardons sans terre
convient parfaitement et 1 kg suffit amplement
pour attirer sur le coup les poissons
de la portion de coulée explorée.
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Matériel et mise en oeuvre
Le choix du matériel sera dicté par deux
impératifs : obtenir un ensemble permettant
au pêcheur d’être réactif et conférer à
la perle une dérive naturelle, c'est-à-dire la
plus proche possible d’une graine de chènevis
évoluant librement à proximité du fond.
Le second impératif est rencontré par
l’emploi d’une ligne légère qui entrave peu
le mouvement de la perle. Le flotteur n’excèdera
jamais 1 g ; il sera le plus souvent
situé entre 0,6 g et 1 g. Le modèle TPC de
Sensas me donne entière satisfaction. Le
diamètre du bas de ligne sera de 10/100 ou de
12/100.
Un diamètre
plus faible
expose le
pêcheur à un risque
accru de casse
en cas de surprise –
pas rare ! – et un diamètre
supérieur au 12/100 risquerait
d’altérer la qualité de la
dérive de la perle. En matière
d’hameçon, le choix se portera vers
des modèles fins de fer à longue tige
présentant une belle courbure, laquelle
assure à la fois un bon positionnement
de la perle et un dégagement suffisant de
la pointe. Les Sensas 3411 n°16
conviennent parfaitement.
Quant à la réactivité, elle sera assurée
par l’emploi d’un bas de ligne court, d’une
courte bannière et d’une canne courte :
plus court est le chemin entre l’hameçon et
la main du pêcheur, et plus ce dernier peut
réagir rapidement. Cela permet également
un meilleur contrôle de la dérive. Je
conseille l’emploi de bas de ligne de 15 cm.
Le plomb de touche sera donc placé à cette
distance. La plombée sera soit constituée
de plombs ronds, soit de plombs Styls. Ces
derniers ont la préférence de nombreux
pêcheurs à la perle sous prétexte que les
plombs ronds peuvent être assimilés à des
graines de chènevis et seraient ainsi à l’origine
de fausses touches. A chacun ses
croyances ! La ligne sera équilibrée en
tenant compte du poids de la perle qui garnira
l’hameçon. |
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La canne n’excédera pas 4,5 m. A ce
niveau, le pêcheur a le choix entre un
modèle à anneaux équipé d’un petit moulinet
ou le kit d’une canne à emboîtements
avec un élastique. La première solution est
la plus prudente car une réserve de fil est la
bienvenue lorsqu’il faut laisser filer un beau
poisson. Elle sera automatiquement choisie
si la présence de beaux barbeaux est connue
ou simplement suspectée : pour rappel, le
bas de ligne n’excède pas le 12/100… Pour
ma part, j’utilise une Tantras de Bifa, un
modèle de 4,25 m d’une légèreté et d’une
maniabilité tout à fait convenables, munie
du célèbre Ritma de Peerless, un moulinet
conçu à l’origine pour la pêche au toc. Ce
dernier est rempli de nylon de 16/100.
L’utilisation d’une canne à emboîtements
pourra être envisagée si de beaux gardons,
voire de beaux hotus, constituent les plus
beaux poissons de la place. Ceux-ci seront
maîtrisables avec l’élastique de
1 mm ou
1,2 mm qui équipera le kit.
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Autres particularités !
Lorsque les poissons sont de la partie,
les touches sont sans équivoque et surviennent
pratiquement à tous les coups de
ligne. Chaque ferrage réserve une surprise
en ce qui concerne l’espèce car tous les
cyprinidés sont susceptibles de s’intéresser
à un grain de chènevis et, donc, à une
perle : chevesne, vandoise, goujon, vairon,
barbeau, hotu, ablette commune et ablette
spirlin. A l’expérience, certains coloris semblent
plus efficaces sur certaines espèces :
ainsi le mauve pour le barbeau ou
encore le rouge pour le vairon.
Comme la pêche se déroule à courte distance
vu les impératifs de la technique, il est
fréquent que le pêcheur pratique les pieds
dans l’eau pour explorer la coulée convoitée
- une coulée idéale présente un courant
et un fond réguliers - ce qui confère un
attrait supplémentaire à la technique. Le
pêcheur veillera donc à se munir du strict
minimum tout en l’ayant à portée de main.
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La perle à l'élastique, c'est aussi possible |
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Un tout grand merci à Guy Godin,
assidu de la perle à la ligne flottante en
Semois et qui en a convaincu plus d’un
de s’y mettre.
Le signe distinctif du pêcheur à la perle flottante ?
Un ou plusieurs récipients contenant du chènevis
cuit fixés à la ceinture…
Un barbeau de belle taille mis au sec à la perle
flottante au crépuscule.
Un impératif de la technique :
un agrainage à l’aide de chènevis
au début de chaque coulée.
Un moulinet vient bien à point
lorsque, comme ici, il faut encaisser
le départ d’un tout beau barbeau.
Une pêche fine, des touches régulières,
des sensations fortes, un matériel léger et
réduit, les pieds dans l’eau : que demander
de plus pour passer un agréable moment ?
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